Histoire de Selles-sur-Cher

 

L'Histoire de Selles-sur-Cher a retenu deux personnages, Eusice et Philippe de Béthune...

st eusiceLe nom de Selles-sur-Cher provient du latin Cella qui désignait une cellule d'Ermite dans les premiers temps du Christianisme en Gaule. C'est en effet à cet endroit que s'établit Saint-Eusice en y implantant son oratoire dans la plaine inondable du Cher. Recherchant la solitude, il ne vit que dans la prière et le jeûne. Sa piété attire l'attention de ses contemporains qui constatent que le Cher, dans ses plus hautes eaux, respecte sa cellule de branchages. Childebert Ier, Roi des Francs, le consulte sur ses chances de remporter les croisades menées en Espagne contre les Wisigoths.

Saint-Eusice a une vie marquée de miracles dont les récits, telle une bande dessinée, est raconté par les frises supérieures de l'Abside de l'église.

À sa mort, vers 540, une basilique de style roman est construite sur son tombeau, à l'emplacement de son oratoire et c'est ainsi que la Celle Saint-Eusice est bâtie dans la plaine inondable du Cher et y resta, devenant beaucoup plus tard Selles-sur-Cher.

 

philippe de bethunePhilippe de Béthune, frère du grand Sully, le Ministre de Henri IV, achète le Château de Selles-sur-Cher vers 1604. Jusque là, ce château avait eu une fonction de gardien de la riche abbaye de Saint-Eusice de sa ville. Il est converti en demeure d'agrément par son nouveau propriétaire qui aménage la partie médiévale, devenant le Pavillon Doré.

Utilisant la pierre, la brique et l'ardoise, Philippe de Béthune construit des pavillons dans le goût du jour, constructions orientées vers la ville et le Cher. La pavillon principal est la première vision que l'on a du château en arrivant à Selles-sur-Cher.

Grand mécène de son époque, il rétablit dans son importance l'abbaye et son cloître, comme il dote la ville de son hôpital.

 

 

Le site de l'Antique Selles-sur-Cher

Site classique pour l'implantation d'une ville avec un plateau en éperon, limité par les vallées de deux rivières :

  • la Sauldre, affluent du Cher, recueille les eaux de la Sologne. Ses crues sont principalement hivernales,
  • le Cher, affluent de la Loire. Ses crues peuvent provoquer des inondations :

- en hiver, par des pluies d'origine atlantique très abondantes,

- au printemps, par la conjonction de pluie d'origine atlantique et d'orages méditerranéens sur le Massif Central.

Sa plaine inondable est limitée au Nord par le plateau d'implantation d'une altitude de 80 à 90 mètres, et au Sud par des collines portant le point culminant de la commune.
Un gué existe sur le Cher permettant son passage en été, à pied peut-être, à cheval surement.

 

La ville Gallo-romaine

Les hommes du Néolithique, de l'Âge de bronze et les Gallo-Romains ont utilisé ce site : des traces d'occupation ont été trouvées au Nord de la Sauldre et entre Cher et Sauldre.

On pense que la voie romaine emprunte la rive droite du Cher, entre Gièvres (Gabris) et Thésée-la-Romaine (Tasciaca).

Des textes anciens laissent supposer qu'un monastère était installé, au Vème siècle, à Patriciacum, sur la rive droite du Cher. Un village l'entoure vraisemblablement.

 

La foi, cause d'urbanisation

Un moine, Saint-Eusice, quitte le monastère de Patriciacum et s'installe en ermite, sur une butte alluviale de la rive gauche, dans la plaine inondable, vers 520-530. Une crue de novembre transforme son ermitage en îlot. Les habitants de Patriciacum affirmeront que les flots du Cher épargnent le Saint Homme. Ce sera son premier miracle public.

Saint-Eusice entraîne d'autres compagnons, conseille le Roi Childebert Ier, fils de Clovis, de passage à Selles-sur-Cher. En remerciement, le Roi lui octroie des terres et des bois.

À sa mort, un martyrium abrite son tombeau, sur le lieu de sa retraite. Des chapiteaux, des colonnes de marbre sont taillés et façonnés dans des carrières des Pyrénées et sont envoyés par voie d'eau vers Selles-sur-Cher.

Une abbaye sera créée et la population de Patriciacum, subjuguée par l'ascendant d'Eusice, viendra vivre autour du tombeau.

 

Premier paradoxe : la ville naît dans la plaine inondable

L'Abbaye : construite au VIème siècle, l'Abbaye subit les invasions normandes au IXème siècle, la "Guerre de Cent Ans" et les Guerres de Religion. Elle est reconstruite par Philippe de Béthune vers 1660, qui y installe l'ordre des Feuillants. La Révolution expulse les moines en 1790, vens les bâtiments et les biens de l'Abbaye. Par la suite, la Mairie, la Poste, le Musée y seront logés. Le jardin potager de l'Abbaye deviendra le Champ de Foire.

Le Château : sa construction, à l'emplacement actuel, date du début du Xème siècle. Il semble qu'il ait été implanté à cet endroit pour assurer la défense de l'Abbaye contre les invasions normandes venant de Tours. Il a également l'avantage de protéger le gué, c'est-à-dire le passage Nord-Sud. Remanié profondément au XVIIème siècle par Philippe de Béthune, les modifications ou restaurations successives n'auront aucune influence sur le développement de Selles-sur-Cher. Philippe de Béthune dotera Selles-sur-Cher d'un Hôtel-dieu dont les bâtiments, restaurés bien souvent, constituent encore l'Hôpital.

La ville au Moyen-Âge : Patriciacum, la ville romaine de la rive droite, perd le rang de paroisse et le droit d'inhumation. Elle deviendra le petit bourg, le Bourgeau. Sur la rive gauche, dans la plaine inondable, la ville de Saint-Eusice, Celles Saint-Eusice, se développe, utilisant au mieux la bosse sédimentaire.

La ville se déroule du pont vers l'Église, avec commerces et marchands. L'Abbaye est la principale autorité, mais le Comte en son château, a lui aussi quelques pouvoirs. Les deux autorités sauront construire des fortifications communes. Le Bourgeau deviendra faubourg de Celles-en-Berry.

 

Second paradoxe : Selles-sur-Cher a un faubourg plus ancien que la ville

Le Cher, voie de communication : le Cher est utilisé par la «Communauté des Marchands fréquentant la rivière de Loire et autres fleuves descendant en icelle». La navigation est délicate : ou bien le débit estival est faible, avec des bancs de sable étendus et les bateaux ne peuvent flotter, ou bien les crues d'hiver abondent et les bateaux ne peuvent passer sous les ponts. De la région de Nantes, via Tours, arrivait le sel de la Gabelle, stocké dans le grenier à sel royal et revendu très cher au profit du Roi. En sens inverse, du fer partait du Berry vers les chantiers navals de l'Atlantique. Du vin, des matériaux de construction atteignaient Orléans en faisant le grand détour par Tours et la Loire.

Le Cher, source d'énergie : des moulins à blé et à foulon sont construits principalement sur la Sauldre. Le Cher n'en portait qu'un, accolé au pont, sur la rive gauche. C'était le moulin banal de la paroisse où les habitants devaient venir obligatoirement moudre leurs grains «sous peine de cinq sous d'amende». Le moulin est démoli en 1847 et le pont, reconstruit et élargi, permet une meilleure circulation.

Selles-sur-Cher, carrefour de trafics : du Moyen-Âge jusqu'au milieu du XIXème siècle, la ville conserve ses fortifications qui constituent les limites de son développement. Sa situation lui permet de contrôler :

- la trafic Océan-Bourbonnais par le Cher,

- le trafic Tours-Vierzon par la route parallèle au Cher,

- le trafic Blois-Châteauroux, empruntant le gué ou le pont.

La lutte contre les inondations : depuis le Moyen-Âge, quand les eaux de la rivière croissent extraordinairement jusqu'à entrer dans la ville, la Chasse où les reliques sacrées de Saint-Eusice reposent est mise au bord de l'eau : elles s'arrêtent aussitôt et ne passent plus outre. Ce fut longtemps, comme en 1707, le seul moyen de lutte contre les inondations.

On mène une lutte active contre les inondations depuis 1860 :

- le quai Soubeyran est construit à l'emplacement de l'ancien port, en tenant compte de la crue catastrophique de 1856,

- des levées de terre sont mises en place : la levée des Châtaigniers, devant les remparts, à l'Est, la levée du Parc, en direction de Châteauroux. Cet ensemble détournera plus au Sud le courant de l'inondation,

- les îles, autour du pont, seront détruites.

La nouvelle urbanisation : ce n'est qu'à partir du milieu du XIXème siècle qu'on pensera à ne plus construire dans la plaine inondable et à se mettre ainsi à l'abri des excès d'eau. C'est d'abord la révolution industrielle et ses conséquences qui déclenchent cette idée nouvelle. Par contre, à partir de 1950, la volonté politique de la Municipalité détermine les nouveaux axes d'extension.

Les étapes de l'urbanisation :

  1. du Moyen-Âge au début du XIXème siècle, la ville et le Bourgeau sont restés identiques à eux-mêmes,
  2. le creusement du Canal amène une extension de la ville vers la Thizardière : une population de mariniers l'habite. En même temps, la navigation sur le Cher périclite à partir de 1840, pour disparaître rapidement,
  3. la voie ferrée Tours-Vierzon propose le Nord comme nouvel axe d'accroissement. Mais ce quartier sera peu utilisé, sauf pour l'implantation d'une tuilerie,
  4. en 1919, entre la voie ferrée et le Canal s'installe l'usine des Produits Céramiques de Touraine. Elle construit pour son personnel la Cité des Chènegaults, au Nord de la voie ferrée, la Cité Guynemer, sur la route de Vierzon,
  5. à partir de 1955, la Municipalité guide l'urbanisation par édification d'une cité H.L.M. sur la route de Vierzon,
  6. en 1970, une nouvelle orientation est décidée, toujours par la Municipalité : le Nord-Ouest, en dehors de tout axe ancien de communication. Cet ensemble groupe un complexe sportif, une école maternelle, le collège. Autour est établi un lotissement se partageant entre des collectifs et des pavillons : les Pressigny.

La ville actuelle : si les quartiers résidentiels et les zones industrielles retrouvent l'emplacement logique du site naturel, la ville administrative, culturelle, religieuse et commerciale est toujours fixée dans les limites des fortifications moyenâgeuses. Donc ses habitants subissent toujours les désagréments des inondations. Pourtant, de nouvelles constructions s'y installent : collectifs, administration et services.

 

Conclusion

Dès l'origine, l'implantation de Selles-sur-Cher est fondée sur deux paradoxes :

- le faubourg est plus ancien que la ville,

- la ville est placée dans une zone inondable.

Que la Foi débordante du Haut Moyen-Âge détermine l'emplacement d'un oratoire, d'une église, d'une abbaye en un lieu envahi périodiquement par l'eau, cela peut se comprendre quand on sait l'ardeur religieuse de ces temps-là, la confiance aveugle des croyants dans les vertus et les miracles de leurs Saints.

Que des militaires installent un organisme de défense dans le même site peut s'expliquer par l'emplacement du site à protéger et des routes d'invasion de l'ennemi.

Mais que durant mille ans continue le désir d'habiter ce même site inconfortable, que pendant un millénaire persiste la volonté d'agrandir la ville sur le lieu humide, voilà qui devient étonnant.

Qu'actuellement les Sellois continuent de subir ce site inhospitalier, incommode, alors que la Foi ne déplace plus les montagnes, nous semble LE paradoxe suprême d'une urbanisation réfléchie.

 

 

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